La mis\u00e9ricorde de Dieu transforme le c\u0153ur de l\u2019homme et lui fait exp\u00e9rimenter un amour fid\u00e8le qui le rend capable d\u2019\u00eatre, \u00e0 son tour, mis\u00e9ricordieux. C\u2019est \u00e0 chaque fois un miracle que la mis\u00e9ricorde divine puisse se r\u00e9pandre dans la vie de chacun de nous, en nous incitant \u00e0 l\u2019amour du prochain et en suscitant ce que la tradition de l\u2019\u00c9glise nomme les \u0153uvres de mis\u00e9ricorde corporelles et spirituelles. Elles nous rappellent que notre foi se traduit par des actes concrets et quotidiens, destin\u00e9s \u00e0 aider notre prochain corporellement et spirituellement, et sur lesquels nous serons jug\u00e9s : le nourrir, le visiter, le r\u00e9conforter, l\u2019\u00e9duquer. C\u2019est pourquoi j\u2019ai souhait\u00e9 que \u00ab le peuple chr\u00e9tien r\u00e9fl\u00e9chisse durant le Jubil\u00e9 sur les \u0153uvres de mis\u00e9ricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une fa\u00e7on de r\u00e9veiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvret\u00e9, et de p\u00e9n\u00e9trer toujours davantage le c\u0153ur de l\u2019\u00c9vangile, o\u00f9 les pauvres sont les destinataires privil\u00e9gi\u00e9s de la mis\u00e9ricorde divine \u00bb (Ibid., n. 15). Dans la personne du pauvre, en effet, la chair du Christ\u00a0\u00ab\u00a0devient de nouveau visible en tant que corps tortur\u00e9, bless\u00e9, flagell\u00e9, affam\u00e9, \u00e9gar\u00e9\u2026 pour \u00eatre reconnu par nous, touch\u00e9 et assist\u00e9 avec soin \u00bb (Ibid.). Inou\u00ef et scandaleux myst\u00e8re qui prolonge dans l\u2019Histoire la souffrance de l\u2019Agneau innocent, buisson ardent br\u00fblant d\u2019un amour gratuit, et devant lequel nous ne pouvons, \u00e0 la suite de Mo\u00efse, qu\u2019\u00f4ter nos sandales (cf. Ex 3,5) ; et ceci plus encore quand ce pauvre est notre fr\u00e8re ou notre s\u0153ur en Christ qui souffre \u00e0 cause de sa foi.<\/p>\r\n

\u00a0<\/em><\/strong>Face \u00e0 cet amour, fort comme la mort (cf. Ct 8,6), le pauvre le plus mis\u00e9rable est celui qui n\u2019accepte pas de se reconna\u00eetre comme tel. Il croit \u00eatre riche mais, en r\u00e9alit\u00e9, il est le plus pauvre des pauvres. Et s\u2019il est tel, c\u2019est parce qu\u2019il est esclave du p\u00e9ch\u00e9 qui le pousse \u00e0 user de la richesse et du pouvoir non pas pour servir Dieu et les autres, mais pour \u00e9touffer en lui l\u2019intime conviction de n\u2019\u00eatre, lui aussi, rien d\u2019autre qu\u2019un pauvre mendiant. D\u2019autant plus grands sont le pouvoir et les richesses dont il dispose, d\u2019autant plus grand est le risque que cet aveuglement devienne mensonger. Il en vient \u00e0 ne m\u00eame plus vouloir voir le pauvre Lazare qui mendie \u00e0 la porte de sa maison (cf. Lc 16, 20-21), figure du Christ qui, dans les pauvres, mendie notre conversion. Lazare est cette opportunit\u00e9 de nous convertir que Dieu nous offre et que peut-\u00eatre nous ne voyons pas. Cet aveuglement est accompagn\u00e9 d\u2019un d\u00e9lire orgueilleux de toute-puissance, dans lequel r\u00e9sonne, de mani\u00e8re sinistre,\u00a0ce\u00a0d\u00e9moniaque\u00a0\u00ab\u00a0vous serez comme des dieux\u00a0\u00bb (Gn 3,5), qui est \u00e0 la racine de tout p\u00e9ch\u00e9. Un tel d\u00e9lire peut \u00e9galement devenir un ph\u00e9nom\u00e8ne social et politique, comme l\u2019ont montr\u00e9 les totalitarismes du XX^{e<\/sup> si\u00e8cle, et comme le montrent actuellement les id\u00e9ologies de la pens\u00e9e unique et celles de la technoscience qui pr\u00e9tendent r\u00e9duire Dieu \u00e0 l\u2019insignifiance et les hommes \u00e0 des masses qu\u2019on peut manipuler. Ceci, de nos jours, peut \u00eatre \u00e9galement illustr\u00e9 par les structures de p\u00e9ch\u00e9 li\u00e9es \u00e0 un mod\u00e8le erron\u00e9 de d\u00e9veloppement fond\u00e9 sur l\u2019idol\u00e2trie de l\u2019argent qui rend indiff\u00e9rentes au destin des pauvres les personnes et les soci\u00e9t\u00e9s les plus riches, qui leur ferment les portes, refusant m\u00eame de les voir.<\/p>\r\n}

Pour tous, le Car\u00eame de cette Ann\u00e9e jubilaire est donc un temps favorable qui permet finalement de sortir de notre ali\u00e9nation existentielle gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019\u00e9coute de la Parole et aux \u0153uvres de mis\u00e9ricorde. Si \u00e0 travers les \u0153uvres corporelles nous touchons la chair du Christ dans nos fr\u00e8res et nos s\u0153urs qui ont besoin d\u2019\u00eatre nourris, v\u00eatus, h\u00e9berg\u00e9s, visit\u00e9s, les \u0153uvres spirituelles, quant \u00e0 elles, - conseiller, enseigner, pardonner, avertir, prier - touchent plus directement notre condition de p\u00e9cheurs. C\u2019est pourquoi les \u0153uvres corporelles et les \u0153uvres spirituelles ne doivent jamais \u00eatre s\u00e9par\u00e9es. En effet, c\u2019est justement en touchant la chair de J\u00e9sus Crucifi\u00e9 dans le plus n\u00e9cessiteux que le p\u00e9cheur peut recevoir en don la conscience de ne se savoir lui-m\u00eame rien d\u2019autre qu\u2019un pauvre mendiant. Gr\u00e2ce \u00e0 cette voie, \"les hommes au c\u0153ur superbe\", \"les puissants\" et \"les riches\", dont parle le Magnificat ont la possibilit\u00e9 de reconna\u00eetre qu\u2019ils sont, eux aussi, aim\u00e9s de fa\u00e7on imm\u00e9rit\u00e9e par le Christ Crucifi\u00e9, mort et ressuscit\u00e9 \u00e9galement pour eux. Cet amour constitue la seule r\u00e9ponse \u00e0 cette soif de bonheur et d\u2019amour infinis que l\u2019homme croit \u00e0 tort pouvoir combler au moyen des idoles du savoir, du pouvoir et de l\u2019avoir. Mais il existe toujours le danger qu\u2019\u00e0 cause d\u2019une fermeture toujours plus herm\u00e9tique \u00e0 l\u2019\u00e9gard du Christ, qui dans la personne du pauvre continue \u00e0 frapper \u00e0 la porte de leur c\u0153ur, les hommes au c\u0153ur superbe, les riches et les puissants finissent par se condamner eux-m\u00eames \u00e0 sombrer dans cet ab\u00eeme \u00e9ternel de solitude qu\u2019est l\u2019enfer. C\u2019est alors que r\u00e9sonnent \u00e0 nouveau, pour eux comme pour nous tous, les paroles ardentes d\u2019Abraham\u00a0:\u00a0\u00ab\u00a0Ils ont Mo\u00efse et les Proph\u00e8tes, qu\u2019ils les \u00e9coutent ! \u00bb (Lc 16,29). Cette \u00e9coute agissante nous pr\u00e9parera le mieux \u00e0 f\u00eater la victoire d\u00e9finitive sur le p\u00e9ch\u00e9 et sur la mort de l\u2019Epoux qui est d\u00e9sormais ressuscit\u00e9, et qui d\u00e9sire purifier sa future \u00c9pouse dans l\u2019attente de son retour.<\/p>\r\n

Ne laissons pas passer en vain ce temps de Car\u00eame favorable \u00e0 la conversion ! Nous le demandons par l\u2019intercession maternelle de la Vierge Marie, qui, la premi\u00e8re, face \u00e0 la grandeur de la mis\u00e9ricorde divine dont elle a b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 gratuitement, a reconnu sa propre petitesse (cf. Lc 1,48) en se reconnaissant comme l\u2019humble Servante du Seigneur (cf. Lc 1,38).<\/p>\r\n<\/blockquote>\r\nLa gr\u00e2ce par la pi\u00e9t\u00e9, les d\u00e9votions et le sacrement de la r\u00e9conciliation<\/strong>\r\n

Le car\u00eame est le moment opportun pour examiner notre pi\u00e9t\u00e9 et notre d\u00e9votion, et se demander si nos vies sont r\u00e9ellement anim\u00e9es par la justice et la charit\u00e9 \u00e9vang\u00e9liques qui trouvent leur pleine expression dans le banquet eucharistique. Au cours de cette saison, nous sommes invit\u00e9s \u00e0 \u00e9tablir ou \u00e0 reconstruire notre pi\u00e9t\u00e9 et notre d\u00e9votion: une pri\u00e8re plus attentive, une participation plus fr\u00e9quente au sacrement de la r\u00e9conciliation, la pri\u00e8re de l\u2019ancien culte de la Via Crucis (Chemin de Croix). Nous ne pouvons pas choisir un geste de pi\u00e9t\u00e9 ou de d\u00e9votion par peur \u2013 et malheur \u00e0 ceux qui le choisissent\u00a0 par peur et disent le faire pour de nobles motifs religieux!<\/p>\r\n

En c\u00e9l\u00e9brant le sacrement de la r\u00e9conciliation, nous montrons aussi que nous sommes conscients que nous appartenons \u00e0 l\u2019\u00c9glise. Il y a une triple dimension \u00e0 confesser nos p\u00e9ch\u00e9s. D\u2019abord une confession de notre louange, nous louons Dieu pour toutes les bonnes choses que nous voyons dans notre vie. Deuxi\u00e8mement, il y a une confession des p\u00e9ch\u00e9s: nous reconnaissons en toute simplicit\u00e9 et avec tristesse nos faiblesses. Troisi\u00e8mement, il y a une confession de foi: nous mettons notre confiance en Dieu qui a envoy\u00e9 son Fils pour vaincre le p\u00e9ch\u00e9. Notre chanson th\u00e8me pour le Car\u00eame n\u2019est pas \u00abNous vaincrons\u00bb, mais plut\u00f4t: \u00abDieu, en J\u00e9sus-Christ, vaincra en nous\u00bb, si nous le laissons agir.<\/p>\r\n